• Prologue Volume Premier.

    Prologue Volume Premier.

    Ultimatum

    Quand l'aube frôle le crépuscule.

     

    Le sang froid comme le métal.

     

          De l'ombre, des ombres. L'odeur renfermée de la salle ne la gênait plus. Depuis longtemps. Elle tourna un regard neutre pour fixer le mur, presque indistinguable, de la pièce. Il lui semblait gris. Mais tout lui semblait gris dans cet endroit, même sa propre peau. Peut-être était-ce à cause de l'éclairage si faible. Ou du manque d'air frais et de la saleté des lieux. En réalité, elle savait que ce n'était qu'une impression. Tout était presque trop propre autour d'elle. Si on omettait le sol, dont l'aspect granuleux, lui écorchait toujours les jambes, et lui donnait une allure à croire qu'il était toujours complètement recouvert de poussière.

        Le noir. Qui était, tout comme les ombres, dû à l'obscurité opaque, qui rappelait vaguement la nuit. 

        Elle était presque sûre que ce bâtiment se trouvait sous terre. Qu'il pouvait être midi, sans qu'elle ne le sache. Bien sûr, ce n'était qu'une hypothèse. Car, même Julian, ne lui dévoilait jamais d'informations sur l'extérieur. Elle ne savait rien sur ce qu'il se passait à l'extérieur du Centre, ni à l'intérieur, finalement.

        Une petite fenêtre, de quelques centimètres, construite trop haute et proche du plafond pour qu'elle puisse ne serait-ce que l'effleurer, même sur la pointe des pieds. Les murs de pierre autour d'elle étaient tels qu'elle était pratiquement persuadée qu'elle se serait râpée et blessée la peau si elle s'y était risquée. De plus, elle ne savait pas où donnait cette fenêtre, ainsi à quoi bon s'attirer des ennuis.

        Les quatre autres filles qui partageaient cette cellule avec elle étaient revenues, il y a peu. L'obligeant à se forcer à arrêter de s'entraîner seule, à ses techniques de combat, dans cet endroit qui était, de toute manière, trop étroit pour cela. Elle sentait, les vestiges des gouttes de sueur dû à l'effort physique, s'agglutiner sur son front alors qu'elle reprenait son souffle, silencieusement. 

        L'impression d'un combat sans fin, ni résultat l'avait plongé dans une sorte de routine qu'elle trouvait parfois lassante. Elle pouvait se souvenir des premiers jours, elle s'était évidemment débattue, quand elle s'était réveillée dans cet endroit ; sans aucun souvenir. Puis elle avait fini par s'arrêter, et juste accepter ce fait. Et elle était coincée. Dans cette bulle qu'elle s'était elle-même construite avec le temps. Un temps long. Une dizaine d'années, d'après elle et ses calculs bancals. 

        Elle n’éprouvait jamais le besoin, de quoique ce soit, c'était sûrement ce qui avait facilité l'acceptation et son renferment progressif sur elle-même. Depuis qu'elle était ici, elle n'avait ressenti ni faim, ni soif. Elle ne dormait pas non plus.

        Parfois elle rêvait, des rêves flous qui la réveillaient de son sommeil, un sommeil qui la surprenait à chaque fois. C'était à ce moment-là, la plupart du temps. Quand elle commençait à dormir, et voire à rêver. Qu'ils envoyaient Julian la chercher pour lui faire subir une autre expérience, dont elle ne savait rien. D'après elle, cela arrivait tous les dix jours. Et aujourd'hui. Elle savait que c'était son tour. Elle le sentait.

        Elle fronça les sourcils quand elle entendit la jeune blonde, à sa droite, se plaindre d'un cri craintif. Elle la comprenait, elle n'était là que depuis quelques jours, c'était seulement sa deuxième expérience. Mais elle n'arrivait pas à s'empêcher d'être énervée par ses plaintes. Elle l'observa avec un regard froid. Sans prononcer le moindre mot. En dehors de Julian, elle ne parlait à personne.

        Quand la porte de l'entrée de leur cellule s'ouvrit. Elle sourit presque en reconnaissant la chevelure noire de son gardien.

        Il arborait le même uniforme gris et trop large pour lui que tous les autres jours, depuis le début. Ses yeux bleus tombèrent rapidement sur elle, ses lèvres s'étirèrent dans un sourire subtilement chaleureux. 

     

        - Je m'occupe du numéro quarante-huit, murmura une voix qui lui était inconnue.

     

        C'est à ce moment-là qu'elle remarqua les autres hommes, pratiquement identiques à Julian, dans l'exact même uniforme, avec l'exacte même barbe mal-rasée.

        Il s'approcha rapidement d'elle, comme pressé d'en finir. Il lui avait un jour confié qu'il détestait vraiment ces moments-là. Quand il fut assez près, il l’enjamba, s'accroupit et posa une main sur son bras droit, le contraste de sa peau aux couleurs de pêches vives, avec la sienne blanche comme la lune, la fit presque sourire. Il le tira délicatement, pour le rapprocher de lui, alors qu'il glissa le long de la cuisse, étendue sur le sol, de la jeune femme, sur laquelle il reposait négligemment.

        Il baissa la tête vers la sacoche grise accrochée autour de ses hanches et tint son bras d'une main. Afin de pouvoir prendre, avec celle qui restait libre, la gauche ; la piqûre qui contenait le liquide qui allait l'endormir jusqu'à la fin de l'expérience. Jusqu'à ce que Julian la ramène ici et qu'elle se réveille.

        Il entreprit de faire pénétrer l'aiguille dans sa peau, ignorant avec une grimace peu discrète la goutte de sang que cela provoqua. Elle sentit le liquide, se forger une place, de force, dans ses veines. Ce n'était plus douloureux, avec le temps. Mais l'agressivité du produit rendait ce moment toujours très désagréable. 

        Il agissait très vite, même avec l'habitude et toutes ces années. Quand Julian eut retiré la seringue, la jeune femme était déjà pratiquement molle dans ses bras ; elle n'entendit jamais les mots qu'il lui prononça, à l’abri des regards, les traits crispés.


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